HISTOIRE DE SIGNATURES

 

 

Qui signe, qui ne signe pas ? Le fait de savoir signer montre un certain niveau d'alphabétisation, impliquant que le signataire sait écrire et lire, non sans difficultés sans doute. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la majorité des porteurs du nom Mesqui ne savent pas signer, à commencer par le premier du nom reconnu, Etienne de Chaplats. Pas plus ses deux fils Huguet, ni son petit fils Jean, tisserand ou laboureurs, ne savent écrire.

 

A la génération suivante, l'aîné de ses fils, Pierre I de Chaplats, sait signer comme l'attestent deux paraphes en 1742 : ceci prouve que Jean avait, sans doute, atteint un certain niveau d'aisance qui lui permit de faire alphabétiser son fils aîné. La signature est simple, mesqui, en terminant par un i. En revanche, ses frères et sœurs ne reçurent pas cette instruction.

 

De toutes les branches qui vécurent à Blanquefort au XVIIIe siècle, seule celle des Jouanets eut l'aisance suffisante pour alphabétiser l'aîné de chaque génération. Pierre II des Jouanets, le neveu de Pierre I de Chaplats, fut sans doute intégré à la famille d'Etienne Marmié, notable possesseur des Jouanets, et destiné à sa fille unique ; il fut alphabétisé, comme le fut son fils Etienne I, qui, on peut le voir dans l'histoire des Jouanets, succéda de fait à son grand-père Marmié comme l'un des notables de Blanquefort. D'une façon générale, les signatures restent simples, et très ressemblantes, écrites en minuscules. Seul Pierre II écrivit de façon systématique son nom en le terminant par un y, souvent surmonté d'un, voire de deux points. Le M est toujours écrit en minuscule. On a également une signature d'Etienne avec son prénom, fait assez rare qui disparaît dès qu'il devient chef d'exploitation.

 

Avec Pierre III, dans la première moitié du XIXe siècle, la signature se sophistique : le M devient majuscule, à l'anglaise, et la signature se termine par une fioriture en boucle. Pierre III a atteint, d'ailleurs, un niveau d'aisance qui lui permet d'alphabétiser sa fille Jeanne Célestine, qui signe son acte de mariage en 1844.

 

Cependant, malgré ce niveau d'aisance de la famille, seul Pierre III, l'aîné, avait été alphabétisé ; il n'est pas un seul des ses nombreux frères et soeurs qui l'aient été...

 

L'alphabétisation était loin d'être de règle : dans le reste des branches, il faut attendre 1842 pour trouver une première signature, celle de Jean II de La Gardelle, une belle signature où l'on trouve le M à l'anglaise devenu la règle. Il signe de son nom suivi de son prénom. Sa famille n'atteignait cependant pas le niveau social de celle des Jouanets : lui avait été valet de ferme, avait épousé une servante.

 

Il va de soi que, à mesure que l'on progresse dans le XIXe siècle, le nombre des signataires augmente : à partir des années 1830, toutes les mairies devaient posséder leur école, et plus encore à partir de 1842, elles devaient en théorie posséder une école de filles. Mais, rappelons-le, l'école obligatoire pour les 7-12 ans ne fut imposée qu'en 1882 par Jules Ferry...

 

La séparation de la famille Musqui. On doit noter, en particulier, les signatures de Etienne Jean de Villa, né en 1845 : fils du maçon Antoine I des Guignes, il signe en 1875 pour la naissance d'un de ses enfants, avec la graphie Mesqui. La signature est appliquée, bien dessinée, avec une fioriture en fin de nom. En 1889, il signe désormais Musqui ; la signature s'est apurée, le u bien appuyé. Son frère Jean de Labeille signe également Musqui en 1883, le u moins appuyé toutefois.

 

Désormais, cette branche familiale va définitivement porter le nom de Musqui : ceci se confirme avec Edouard Etienne, fils d'Etienne Jean et frère de Pierre Henri, tige de l'actuelle famille Musqui.

 

On ne connaît pas la raison de cette nouvelle graphie. Cependant, selon toute vraisemblance, les Mesqui autres que ceux des Jouanets cherchèrent sans doute à marquer leur différence à l'intérieur de la petite commune de Blanquefort. Ceci résultat-t-il d'une quelconque brouille ? Ou plutôt, comme on peut le penser, d'un oubli progressif des racines communes, tant d'un côté que de l'autre ? Cette seconde hypothèse est plus réaliste.

 

Retour aux Mesqui des Jouanets

On s'amuse à voir comment les deux fils de Pierre III, Jean Elie et Jean Emile, cherchèrent à distinguer leurs signatures, ou plutôt comment le second, en ajoutant des fioritures compliquées, chercha à se démarquer de son aîné. De Jean Elie, on a conservé de multiples signatures, mais aussi des écrits (son cahier de comptes) qui prouve qu'il maîtrisait l'écriture, non sans une orthographe quelque peu vacillante...

 

On arrive ainsi dans les vingt dernières années du XIXe siècle ; les signatures se font nombreuses, filles comme garçons. Je donne ici quelques signatures des enfants d'Elie : Jean Eloi, avec sa signature officielle sous le prénom de Jean, et sa signature en famille sous le prénom d'Eloi ; Elia, sa soeur aînée, Louisa, sa soeur cadette.