NOTES D'HISTOIRE

DES JOUANETS

 

 

Les Jouanets : ce nom a une grande importance dans l'histoire de la famille Mesqui, car toutes les branches encore actives sous le nom de Mesqui descendent de la famille qui habita et posséda les Jouanets. Aussi est-il intéressant de donner quelques notes historiques sur cette propriété.

 

 

La situation des Jouanets

 

Les Jouanets sont situés dans le paysage vallonné, très boisé, situé au Nord-Est du Lot-et-Garonne à la frontière entre l'Agenais et le Périgord, sur le flanc de la vallée de la Lède, petit affluent du Lot prenant sa naissance à Capoulèze, à moins d'un kilomètre. Le hameau dépendait autrefois de la paroisse de Saint-Chaliès, petit bourg situé en aval, pourvu d'une jolie église gothique romane du XIIIe siècle, et administrativement de la châtellenie de Blanquefort-sur-Briolance qui conserve un château perché sur un éperon dominant les forges de la Briolance. Dès le XVIIe siècle, et probablement depuis le Moyen Âge, la culture prédominante de toute la région était la châtaigne : il s'agissait donc d'un paysage relativement fermé, à l'exception des fonds de vallée (voir carte).

 

Le hameau n'était nullement isolé : à moins de deux cents mètres se trouvait le hameau du May-del-Pech ; à cinq cents mètres le siège de la paroisse, Saint-Chaliès, et le May-d'Antony ; au nord à sept cents mètres, les hameaux de Chaplats, des Guignes et de Martinet. L'origine de son nom est certainement due à un transfert du nom de l'un des propriétaires, un Jouanet, se référant à un Jean comme le May-d'Antony se référait au mas d'Antoine.

 

 

Les Jouanets dans le dernier quart du XVIIe siècle

 

Le premier document qui permet de retracer la situation des Jouanets est l'extrait d'un livre terrier - on dirait aujourd'hui une matrice cadastrale, récupérée dans les archives des Mesqui des Jouanets. Ce sont 55 pages recto-verso, manifestement arrachées d'un document originel dont on n'a gardé que les pages intéressant le secteur des Jouanets-Chaplats-Martinet-Capoulèze. Il avait été daté de 1723 par Jean "Éloi" Mesqui en raison d'une date figurant sur l'un des feuillets : en fait, cette date est celle d'un contrôle, et l'examen plus attentif montre qu'il est antérieur à 1705 au moins, et très vraisemblablement antérieur à 1700 [1].

 

Ce document cite cinq propriétaires aux Jouanets :

 

- Étienne Leygue, dit de Laudette : il possède "maison, grange, séchoir, four, estable, pactus, jardin, couderc et terre claux", confrontant à l'Est au jardin de Gabrielle Leygue et à la terre du sieur Philip, au Sud au chemin de service et terre des héritiers de Guillaume Leygue, à l'Ouest au chemin de Monpazier à la Sauvetat, enfin au Nord à la terre des héritiers de Jean Leygue et au clos des héritiers de Guillaume Leygue ;

- Les héritiers de Guillaume Leygue : ils possèdent une "maison, séchoir et four, grange, pactus, terre, claux", confrontant à l'Est à la maison et chenevrier de Gabrielle Leygue, au Sud au chemin de service du village, à l'Ouest à la terre d'Étienne Leygue, au Nord à la terre et couderc de Jean Philip, bourgeois  ;

- Gabrielle Leygue : elle possède "maison, séchoir, estable, pactus, sol, jardin, chenevrier et claux", confrontant à l'Est au couderc et claux du sieur Philip, au Sud au chemin de service du village, à l'Ouest à la grange d'Étienne Leygue ;

- Les héritiers de Jean Leygue, dit Baron : ils possèdent "maison, séchoir, grange, pactus et terre", confrontant à l'Est, Ouest et Nord au jardin et terre d'Étienne Leygue, au Sud à la terre de Jean Philip .

- Jean Philip, bourgeois, dont les possessions ne sont connues qu'en creux, puisque non arpentées : sans doute étaient-elles répertoriées à l'endroit de sa résidence, qui ne figure pas dans l'extrait conservé du livre-terrier.

 

Le cadastre du début du XIXe siècle ne reflétait plus cette situation, puisqu'il ne figure aux Jouanets que deux maisons de pierre, la grande maison des Jouanets-Bas, au sud, et la maison des Jouanets-Haut, au Nord - dont on verra qu'elle correspondait probablement à la métairie des Jouanets possédée par les descendants de Jean Philip (voir carte 1). Malheureusement, les descriptions de "confronts" de la fin du XVIIe siècle (c'est-à-dire des limites de parcelles) sont trop vagues pour que l'on puisse esquisser une topographie, et l'on ne possède pas de carte reflétant ce parcellaire primitif : manifestement, les propriétés étaient imbriquées, celles d'Étienne et de Gabrielle Leygue s'imposant par rapport aux deux autres. Ceci ne reflétait que partiellement la situation de chacune des familles : Étienne exploitait 9,3 ha, Gabrielle 11,5, Guillaume 3,2, enfin Jean 2,3 ha de terres (ceci représentant au total 26 ha de terres, à comparer avec les 51 ha possédés au milieu du XIXe siècle par la famille).

 

Doit-on en déduire que les Leygue se partageaient la grande maison des Jouanets-Bas ? C'est pour le moins probable.

 

 

Les Jouanets au début du XVIIIe siècle

 

Au début du XVIIIe siècle, la situation avait changé. Quatre familles résidaient toujours aux Jouanets, mais il ne demeurait qu'une famille Leygue, à laquelle s'ajoutaient la famille Courrance, la famille Bidou, enfin la famille Sérougnié qui occupait la métairie des Jouanets-Haut. Les trois premières familles descendaient des Leygue mentionnés ci-dessus, alors que les Sérougnié n'avaient que le statut de métayers - simples employés pour le compte de famille Philip.

 

Lorsque l'on fait le compte, il manque entre les documents du XVIIe siècle et ceux du siècle suivant une famille de descendants Leygue. Qu'arriva-t-il de la maison occupée par cette famille ? Fut-elle regroupée avec une autre ? C'est probable, sans que l'on en ait aucune certitude.

 

La famille Leygue

 

Les papiers de famille, rassemblés par Jean "Éloi" Mesqui avec l'aide de son frère Albert, commencent avec un accord entre Jeanne Vidal, veuve d'Antoine Leygue, et son beau-frère Pierre, frère d'Antoine. Ce dernier, mort le 19 août 1700, avait transmis ses biens en parts égales entre son épouse et son frère ; le 6 juin 1701, sa veuve Jeanne Vidal se libérait de sa part en la faisant racheter par Pierre. Apparemment, elle s'était remariée avec Pierre peu après le décès d'Antoine, puisqu'elle en eut une une fille - sans doute prématurée, née le 12 avril 1701, morte le 15 du même mois. Jeanne mourut le 27 octobre 1701, son mari Pierre présent, à l'âge de 25 ans [2].

 

De qui descendaient les deux frères ? Il est probable qu'ils étaient fils d'Étienne Leygue, dit de Laudette, celui qui possédait l'essentiel des biens Leygue aux Jouanets au XVIIe siècle.

 

Pierre Leygue se remaria d’abord avec une Jeanne Mazerat, famille ancienne connue à Saint-Chaliès ; il n’en eut pas d’enfants, et Jeanne décéda avant 1705. Pierre se remaria une seconde fois, avec Catherine Bonaffou, dont il eut une fille, Catherine ou Quitterie, et deux fils, tous deux prénommés Jean. Je n’ai pas cherché à retracer la descendance de ces deux Jean Leygue, car ils n’apparaissent nulle part dans l’histoire des Jouanets par la suite ; il est probable qu’ils n'ont pas survécu, car ils ne sont pas mentionnés dans le contrat de mariage de leur soeur Catherine-Quitterie. À la fin de 1725, Pierre et Catherine marièrent leur fille à Étienne Marmié, jeune homme de 26 ans provenant de l’exploitation toute proche du May-del-Pech ; dans le contrat de mariage, les parents donnaient à leur fille la nue propriété de la moitié de tous leurs biens, s’engageant à nourrir et entretenir le couple qui s'installa donc aux Jouanets. Quant à Étienne, il apportait 700 livres en argent, six linceuls, douze serviettes, deux nappes, un plat, une assiette et une écuelle d’étain.

 

Pierre Leygue et son gendre semblent avoir fait bon ménage ; en 1729, ils achetaient ensemble une pièce de terre au Clos de Lusclade. Plus tard, en 1733, Étienne Marmié se portait fort du règlement d’une dette contractée par son beau-père.

 

Pierre Leygue décéda en 1741 ; il avait une sœur, appelée Simone, qui mourut aux Jouanets en 1714, vraisemblablement sans descendance. Sa fille Catherine-Quitterie, épouse d’Étienne Marmié, vécut jusqu’en 1778 ; elle fut la dernière Leygue sur le site des Jouanets.

 

La famille Courrance

 

Isabeau ou Élisabeth Leygue était sans doute une cousine d'Antoine et Pierre, et descendait vraisemblablement de Guillaume ou de Jean Leygue cités au XVIIe siècle ; elle épousa avant 1704 Pierre Courrance, simple travailleur à bras, né vers 1680. De leur mariage naquirent aux Jouanets sept enfants, quatre filles et trois garçons. L'aînée, Françoise, née vers 1705, épousa en 1733 Pierre Mesqui, simple tisserand, originaire du hameau voisin de Chaplats ; il était le deuxième fils de Jean I de Chaplats Mesqui. Pierre et Françoise Mesqui vécurent aux Jouanets : il est probable que Pierre Mesqui préparait les tissus pour l'aîné des garçons Courrance, Pierre, qui était tailleur d'habits.

 

Je ne connais pas la date de décès d'Isabeau ; son mari décéda en 1740, et ses deux fils nommés Pierre en 1745 et 1750. Quant aux quatre autre enfants, je n'en connais pas la destinée : en tous cas, ils n'apparaissent pas dans les registres paroissiaux postérieurs, ce qui semble indiquer qu'ils ne résidaient plus aux Jouanets après leur majorité (ou qu'ils étaient décédés).

 

La famille Bidou

 

Gabrielle Leygue - sans doute la même que celle rencontrée dans le livre-terrier du XVIIe siècle, avait épousé un Peychaudral dont le prénom n'est pas connu ; elle décéda en 1705, âgée de 60 ans environ. Ils eurent au moins une fille, Toinette, qui épousa avant 1701 Jean Bidou, tailleur d'habits, avant 1701 : tous deux habitaient aux Jouanets, la première décédant en 1721, le second en 1739 [3]. Il y avait donc deux tailleurs d'habits sur la petite propriété, ainsi qu'un tisserand, en comptant Jean Bidou, Pierre Courrance et Pierre Mesqui.

 

Leur fils Jean, né en 1702, fut selon toute vraisemblance tailleur également ; il est probable qu'il mourut en 1767 [4]. De son mariage avec Isabeau-Élisabeth Martinet, il eut quatre enfants nés en 1723 et 1730. Le seul dont j'ai la trace est Bernard, né en 1726, grâce à trois ventes de terrains qu'il consentit en 1759, 1760 et 1764 à Étienne Marmié, alors propriétaire principal aux Jouanets [5]. Dans les deux premières ventes, il est désigné comme journalier habitant les Jouanets, alors que dans la troisième il habitait le May-d'Antony. Apparemment, ces ventes étaient dues à des problèmes de trésorerie : la troisième, en particulier, avait pour objet de payer les arriérages de rentes dues au seigneur de Blanquefort. Mais les archives Mesqui conservent une assignation devant la cour de la bourse de Bordeaux, délivrée à l'encontre de Bernard pour non paiement d'un fût de vin qui lui avait été livré quatre mois et demi auparavant [6].

 

On ne trouve plus, après 1760, trace des Bidou aux Jouanets.

 

La métairie de la propriété des Philip, sieurs de Claris

 

On a vu plus haut qu'un des propriétaires de terres aux Jouanets était le sieur Jean Philip, bourgeois. La famille Philip était une famille aisée de la Sauvetat : Raymond Philip y était notaire dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et ce Jean Philip était peut-être son fils, né le 9 janvier 1677. Le livre-terrier dont il a été déjà parlé distingue ce Jean Philip, bourgeois, du sieur Philip de Claris ; je ne sais quelle fut leur degré de parenté. Par la suite, on trouve mention en 1729 et 1731 de Jean Philip, sieur de Claris. Il était propriétaire de la propriété de Claris, au sud de Saint-Chaliès. En 1748, il est mention d'un Jean Philip, ancien capitaine. En 1750, Madeleine Philip de Claris, fille de feu François Philip sieur de Claris et de Madeleine de Bousquet, épousa Jean Charmail de Trévay ; ils eurent en 1753, 1755, 1756, 1762 des fils, tous appelés Jean.

 

La famille Philip, puis celle des Charmail de Trévay à partir du mariage de 1750, possédait la métairie des Jouanets-Hauts. Mais ils n'y résidaient évidemment pas, et avaient des métayers pour l'exploiter. Ces métayers sont connus dès le début du XVIIIe siècle : il s'agissait alors de la famille Sérougnié, dont une fille, Françoise, épousa avant 1705 Girard Delbreil. Son frère résidait également à la métairie des Jouanets-Hauts, puisqu'il y eut ses quatre enfants entre 1716 et 1724. On perd ensuite leur trace aux Jouanets, ce qui signifie vraisemblablement qu'ils migrèrent ailleurs.

 

Il est vraisemblable qu'ils furent remplacés par une famille dont on a que très fugitivement la trace : en 1739 naissait une Élisabeth Maran, fille de Pierre Maran décédé, et de Marie Melet - or je ne m'explique pas quelle eût été leur place aux Jouanets sinon celle de métayers. Leur fit suite, selon toute vraisemblance, la famille Lavelle : Bernard Lavelle, époux de Toinette Laporte, eut deux filles aux Jouanets en 1740 et 1744, avant de décéder en 1749.

 

La dernière famille de métayers connue aux Jouanets est celle des Berbizié (ou Berbiguié). Pierre Berbizié y mourut en 1768, âge de près de soixante ans. Son fils Jean lui succéda : marié à Toinette Delrieu, il n'eut pas moins de dix enfants entre 1760 et 1779. L'un de ces enfants, Marie, née en 1769, eut pour parrain et marraine Jean et Marie Charmail de Trévay, frère et sœur. Les Berbizié disparurent des Jouanets au plus tard en 1788, lors de l'acquisition de la métairie par Étienne Mesqui aux Charmail de Trévay [7].

 

La localisation de cette métairie est connue, grâce à un acte ultérieur, le partage des biens d'Étienne en 1832 (Partage des Jouanets en 1832). Il s'agissait de la maison connue plus tard sous le nom de Jouanets Hauts (voir carte 1). On y reviendra plus loin.

 

 

Marmié et Mesqui aux Jouanets (XVIIIe siècle)

 

Etienne Marmié (vers 1699-1774)

 

Juste à côté des Jouanets se trouvait le hameau du May-del-Pech. Dans le livre-terrier déjà cité plus haut, deux propriétaires y résidaient : Raymond Bariac, décédé à l'époque, et Jean Marmié. Ce dernier se trouvait à la tête de près de 15 ha de terrains, ce qui en faisait un très gros propriétaire. Il eut quatre fils, Pierre, Jean, Etienne et Antoine ; Pierre et Jean restèrent à l'exploitation paternelle, le premier décédant en 1732 ; Étienne Marmié pour sa part fit un beau mariage avec l'une des filles du propriétaire des Jouanets.

 

Le mariage d’Étienne Marmié vers 1726 avec Catherine-Quitterie Leygue, fille de Pierre Leygue, et sa reprise de l'exploitation, détermina une nouvelle époque des Jouanets. En effet, Étienne Marmié ne fut pas seulement un exploitant agricole ; il fut également un commerçant, et de plus un édile de la communauté de Blanquefort. En 1726, il est intitulé « marchand » lors d’un prêt qu’il consentit à Antoine Gipoulou. Son beau-père Pierre Leygue et lui-même prirent à ferme la dîme de la paroisse de Saint-Chaliès, dont le curé était Pierre Fompudie. Après la mort de ce dernier en 1733, un différend éclata entre l’héritier de Fompudie, un certain Antoine Melbès, et Leygue et Marmié : ceux-ci refusaient de payer l’enregistrement du testament alors que, semble-t-il, ils en avaient bénéficié (il est probable qu’ils n’avaient pas versé la totalité des droits dus pour la ferme de la dîme). En 1734, ils étaient même accusés de « vol, enlèvement, expillation » d’héritage par Antoine Cassaignes, chirurgien, autre descendant de Fompudie. Apparemment, Marmié et Leygue durent payer l’enregistrement du testament ; mais ils obtinrent en 1737 une ordonnance de l’Intendant condamnant Cassaignes à leur rembourser. Étienne Marmié attendit la mort de Cassaignes pour réclamer la somme aux héritiers (il s’agissait de 82 livres, ce qui n’était pas négligeable). On ne sait quelle fut l’issue de cette affaire [8]. Quoi qu’il en soit, elle n’empêcha pas Étienne Marmié de devenir fermier du curé successeur de Fompudie, le curé Aldebert, comme l’attestent des quittances de 1739 et 1740, puis en 1756-59. En 1733, la ferme valait 360 livres par an ; en 1756-59, il semble qu’elle valait seulement 130 livres.

 

Étienne Marmié apparaît toujours comme marchand dans plusieurs pièces (assignation de créanciers, en 1745, 1760, 1764, acquisition de terres en 1748, 1759, 1760). En 1753, lors de la constitution de dot de sa fille Marguerite, il était « jurat », on dirait aujourd’hui conseiller municipal. En 1759, il était collecteur principal de la taille dans la juridiction de Blanquefort. Cette même année, le subdélégué de Villeneuve-sur-Lot, que nous appellerions aujourd’hui sous-préfet, lui réclamait le rôle de la taille pour la reconstruction du presbytère de Saint-Front. L’année suivante, il était consul (l’équivalent de jurat) de Blanquefort, et collecteur ; il était encore consul en 1762. De nombreux actes sont conservés, montrant l’activité d’Étienne, le plus souvent intitulé « marchand » ; manifestement, il exerçait une activité débordant le cadre strict de l’exploitation agricole. Mais il eut aussi à cœur d'augmenter son domaine, plusieurs pièces du cartulaire montrant cette activité.

 

Son frère Pierre habita aux Jouanets ; il y mourut en 1732. J’ignore l’origine de cette résidence, car Pierre n’avait, a priori, aucune raison de résider aux Jouanets ; cependant, la proximité des Jouanets et du May-del-Pech pourrait fournir une explication. Étienne entraîna-t-il son frère ? C’est probable.

 

Quoi qu’il en soit, Les Jouanets et le May-del-Pech étaient, à cette époque, proches familialement : Étienne régnait aux Jouanets, alors que Jean II, son frère, possédait le May-del-Pech, bientôt suivi par son fils Jean III.

 

Étienne n’avait eu que des filles avant la naissance de son fils Étienne en 1743 ; mais ce fils décéda âgé de quatre jours. Il maria en 1752 sa seconde fille, Marguerite, à Pierre Serres, laboureur des Guignes ; Marguerite s’installa dans la maison de son mari. L’année suivante, en 1753, il maria l’aînée, Toinette à Pierre II Mesqui qu'on va retrouver ci-dessous. Enfin, trois ans plus tard, il mariait la troisième fille, Anne « Marianne », à Étienne Cayssilié ; à l’instar de Marguerite, Anne s’installa chez son mari.

 

Le double décès de Marguerite et de Pierre Serres en 1765 fut douloureux familialement ; Étienne dut, comme grand-père, prendre la charge de ses deux petits-enfants Jean et Marie, charge qu’il assuma parfaitement puisque les deux enfants, nullement abandonnés, créèrent des familles par la suite [9].

 

Étienne décéda à l'âge de 75 ans.

 

 

Pierre II Mesqui (1733-1797)

 

Comme on l'a vu plus haut, un Mesqui, Pierre I, originaire de Chaplats, avait fait son apparition aux Jouanets après avoir épousé Françoise Courrance, descendante d'un rameau de la famille Leygue ; il était tisserand, et n'était pas alphabétisé. Ils n'eurent qu'un fils, Pierre II, né en 1733. Étienne Marmié, quant à lui, n'avait eu que des filles, et le décès à la naissance de son fils Étienne en 1743 le conduisit vraisemblablement à décider de marier son aînée Toinette avec Pierre II Mesqui ; ainsi les possessions des deux branches issues des Leygue se trouveraient-elles rassemblées. Pierre II, qui avait dix ans à la mort du petit  Étienne, fut alphabétisé, puisqu'il savait signer les actes d'une belle écriture, ce qui confirme qu'il fut assez tôt destiné à reprendre l'exploitation.

 

Ainsi, pour la seconde génération de suite, l'exploitation des Jouanets passa de beau-père à gendre : la première fois de Leygue à Marmié, la seconde fois de Marmié à Mesqui. Le mariage de Pierre II avec Toinette eut lieu en 1753. Il eut huit enfants de son épouse : Anne I (1754), Françoise (1755), Étienne I (1757), Marguerite (1760), Catherine (1762), Marie (1764), Anne II (1766), Étienne II (1770).

 

Cependant, alors que l'on avait pu noter une complicité entre Étienne Marmié et son beau-père Pierre Leygue au travers des actes conservés du Cartulaire, rien n'indique que Pierre II ait été, en quoi que ce soit, associé aux affaires de son beau-père, qui semble avoir conservé la haute main sur la gestion des Jouanets.

 

L'affaire Marie Combrouze. En 1766-67 intervint une affaire qui en dit long sur les rapports humains qui pouvaient exister dans les campagnes à cette époque. Le 20 juin 1766, une certaine Marie Combrouze, habitante du hameau de Coustal, faisait baptiser son fils Antoine, né de façon illégitime d'elle-même et d'un Pierre Mesqui, qui devait être Pierre I, alors âgé de 57 ans, dont l'épouse Françoise Courrance était décédée le 5 octobre de l'année précédente, exactement.. neuf mois plus tôt.

 

Les documents familiaux conservent un document intéressant, malheureusement incomplet, qui concerne un interrogatoire de Pierre II Mesqui à la suite d'une plainte déposée par son père et lui-même contre Marie Combrouze. Apparemment, la plainte avait été déposée par eux parce que Marie Combrouze avait abandonné son enfant, certainement Antoine, sur le seuil  de la maison familiale des Mesqui. Mais Marie, bergère de son état, rétorqua en attaquant Pierre II Mesqui, et en l'accusant d'agression et de tentative de viol... Elle affirmait que, alors qu'elle gardait une paire de bourriques dans un champ le premier septembre 1766, elle avait été violemment prise à parti par Pierre II, ce dernier tentant de la prendre de force ; elle affirmait qu'il l'avait traitée de "sa putain", qu'il l'avait jetée à terre, bourrée de coups, la traitant à nouveau de "garce, putain et bougresse", elle ne devant son salut qu'à l'intervention d'autres valets présents à l'entour...

 

Lors de son interrogatoire, Pierre II reconnut que, alors qu'il revenait de Saint-Chaliès, il traversa un champ où se trouvaient Marie Combrouze, ainsi que d'autres bergères et le valet d'Étienne Marmié ; apparemment, Marie Combrouze faisait l'objet de propos salaces de la part des autres, et Pierre II se joignit au chœur en lui disant qu'elle se repentirait d'avoir abandonné son bébé sur le seuil de sa maison. Selon lui, les insultes proférées en réponse par Marie le mirent dans une violente colère ; il reconnut l'avoir jetée à terre et l'avoir traitée de "coquine, garce et putain".

 

On ne connaît pas la suite de l'histoire ; mais on peut assez facilement deviner la trame. Selon toute probabilité, Pierre I Mesqui, après la mort de son épouse, s'était laissé aller à une relation avec une bergère, qui se trouva aussitôt enceinte et accoucha d'un petit Antoine. Mais la famille Mesqui - Pierre I et son fils Pierre II, refusèrent sans doute de reconnaître le fait, et surtout de le régulariser par un mariage ; d'où l'abandon du bébé sur le seuil par Marie. On ne sait ce que devint Antoine ; mais les Mesqui poursuivirent en justice Marie. Celle-ci devait subir, comme toutes les filles-mères de cette époque, quolibets, injures et avances de toutes sortes, ainsi que la réprobation générale. Il est probable que Pierre II s'en prit violemment à elle ce premier septembre 1766 du fait qu'elle le provoqua volontairement. Mais comment ne l'eût-elle pas fait, alors même qu'elle avait été rejetée par la famille, et sans doute par l'ensemble du village...

 

Le petit Antoine mourut sans doute peu après sa naissance ; je n'en ai pas trouvé trace dans les registres paroissiaux, pas plus sous le nom de Mesqui que sous le nom de Combrouze.

 

Il faut enfin noter que cette Marie Combrouze, bergère, était sans doute la sœur cadette d'une autre Marie Combrouze, qui était servante chez Étienne Marmié en 1764, et fut choisie à cette date comme marraine pour la petite Marie Mesqui, fille de Pierre II et de Toinette Marmié. Elle épousa le 8 janvier 1766 Pierre Fontanet, du Coustal, et décéda en 1774, âgée de 40 ans, après avoir donné naissance à deux filles, Catherine et Marie.

 

Pierre II, protecteur de Jean Marmié, du May-del-Pech. Le Cartulaire conserve deux pièces relatives au rôle que joua Pierre lorsque Jean Marmié, du May-del-Pech, fut confronté à des problèmes de trésorerie pour régler une somme de 103 livres 12 sols, sans doute des arriérés d'impôts. S'agissait-il de Jean II Marmié, qui aurait été âgé de 83 ans, ou de son fils Jean III, alors âgé de 63 ans ? Sans doute plutôt du second. Quoi qu'il en soit, un huissier se présenta le 22 décembre pour saisir tous les meubles de Jean ; au dernier moment, Pierre (suivant le cas neveu ou cousin par alliance)  se présenta, refusant la saisie, et s'offrant comme dépositaire responsable du mobilier. Le délai fut cependant de courte durée, puisque l'huissier se représenta le 4 janvier 1779 ; l'issue de l'affaire n'est pas connue [10].

 

Problèmes de succession. Deux ans plus tard, Pierre II et son épouse Toinette réglaient un différend avec Anne Marmié, sœur de Toinette, et son mari Étienne Cayssilié, concernant la succession d'Étienne Marmié et de son épouse Catherine Leygue, ses beaux-parents. Puis, en 1790, c'est avec les petits-enfants d'Étienne Marmié, Jean et Anne Serres, qui avaient été recueillis par leur grand-père après la mort prématurée de leurs parents, que Pierre et son épouse transigèrent ; les deux petits-enfants s'estimaient lésés par une succession qui datait déjà de quinze ans....[11]

 

Pierre II et son fils Étienne. En 1788, Pierre II consentit, conjointement avec son père Pierre I encore en vie, à l'émancipation de son fils Étienne, âgé de 31 ans, afin que celui-ci achète la métairie de Jouanets-Hauts appartenant à la famille de Charmail ; six ans plus tard, le 14 brumaire an III, il abandonnait tout droit sur cette métairie au profit de son fils, celui-ci étant manifestement l'initiateur de cette pseudo-donation qui lui éviterait tout problème successoral lié au décès de son père [12].

 

Pierre ne fut pas, sans doute, un gestionnaire très précis : en 1782, il avait vendu, indûment, à un certain Pierre Bidou une pièce de terre appartenant à son épouse : quinze ans plus tard, son fils Étienne dut réparer cette indélicatesse, après force plaids dans les différentes cours [13].

 

Pierre mourut le 10 brumaire an VI (10 novembre 1797).

 

 

Étienne Mesqui, seul propriétaire aux Jouanets (1788-1831)

 

Pierre II, dans sa nombreuse progéniture, eut deux fils, qu’il appela tous deux Étienne, en souvenir du grand-père Marmié. Le premier naquit en 1757, le second en 1770 ; ils moururent à deux ans d’intervalle, le premier en 1831, le second en 1833.

 

Étienne I avait reçu une une éducation équivalente à celle de son père : on connaît sa signature en 1776 en tant que parrain d’un des enfants Berbizié, titulaires de la métairie des Jouanets. Il était alors âgé de 19 ans.

 

L'achat de la métairie des Jouanets.

 

Il est vraisemblable que la vie dans l'exploitation et dans la maison familiale des Jouanets-Bas qui n'était pas grande (voir carte 1), ne lui convenaient plus en 1788 : il était âgé de 31 ans, son père de 55, son grand-père de 79 ans, et tout ce monde devait vivre dans une promiscuité familiale difficile. Sa sœur Catherine, de 26 ans, venait de se marier, en 1787, mais il restait encore au foyer Anne, alors âgée de 34 ans, qui ne se maria qu'en 1807 ; son frère cadet Étienne II, âgé de 18 ans ; sans compter bien sûr la mère, Toinette Marmié, alors âgée de 60 ans. Étienne I n'était pas encore marié : il lui fallait s'établir.

 

Il demanda donc son émancipation, jetant son dévolu sur la métairie des Jouanets-Hauts appartenant aux Charmail de Trévay : cette émancipation intervint le même jour exactement où il procéda à l'acquisition de la métairie, le 29 septembre 1788. En 1794 (14 brumaire an III), son père la qualifiait de "petite métairie au présent village" : l'acquisition fut faite à rente pour un capital initial de 4300 livres, dont 1300 livres payées contant. Les 3000 livres restantes rapportaient une rente de 5% (150 livres par an). Jean Charmail de Trévay, le 10 octobre 1789, vendit cette rente à un négociant, Pierre Fort, en échange d'une jument blanche, de deux montres en or, de cinquante livres en argent. Pierre Fort revendit à nouveau la rente dans l'année même, par échange, à Jean Hector, seigneur de Mominot, fils de Joseph d'Hector de Villard ; et celui-ci l'échangea finalement, le 23 août 1790, contre 80 quintaux de fer - 68 quintaux de vrilles, huit quintaux de lames de charrettes, et quatre quintaux de "carré", avec Antoine Bèle, forgeron - plutôt maître de forges de Cuzorn [14].

 

Bien que ne concernant pas l'histoire des Jouanets directement, cette transmission de rente est intéressante, dans la période considérée. En octobre 1789, Jean Charmail de Trévay échangeait son titre contre des biens assez futiles - une jument blanche, deux montres d'or, et de l'argent. Un an plus tard, Jean Hector de Mominot l'échangeait contre des biens d'équipement manifestement destinés à l'armée.

 

Ce n’est qu’en 1829 que cette rente fut définitivement rachetée aux quatres filles d’Antoine Bel par Pierre III Mesqui ; on y reviendra. Mais ce qui est important, à ce stade, est la prise de possession de la métairie des Jouanets par Étienne I Mesqui, qui s’établissait ainsi en dehors des possessions de ses ancêtres.

 

Où se situait cette métairie ? Comme on l'a vu plus haut, il s'agissait de la maison située au Nord du centre d'exploitation actuel (voir carte 1 et photo 1, photo 2), composée d'une pièce d'habitation multi-fonctionnelle, pourvue d'une cheminée et d'un évier fort anciens, accolée d'une grange et surmontée par un comble habitable. Cette maison comporte encore une ouverture d'origine, dont le linteau est décorée d'une accolade qui permet de la dater de la première moitié du XVIe siècle au plus tard.

 

Les mariages d'Étienne I Mesqui.

 

Dès qu'il fut installé à la métairie des Jouanets, Étienne songea à se marier : ce fut chose faite le 30 septembre 1789, avec Jeanne Millières, fille d'Isaac, exploitant à Paulhiac. Le contrat de mariage mentionne les apports de chacun des époux : lui-même apportait la moitié des biens de ses parents en nue-propriété, l’autre moitié lui étant destinée à leur décès, sauf les parts dévolues légalement à ses frères et sœurs. Quant à elle, ses parents la dotaient de 1800 livres en argent, d’un buffet ou demi-cabinet, de douze draps de lit, dont trois de brin et neuf d’étoupe ; douze torchons ; douze serviettes à façon, et six nappes en treillis, toutes neuves ; un lit complet à six rideaux, entièrement pourvu de quenouilles, couettes, coussin muni de 28 livres de plume d’oie ; enfin d’une assiette et d’une cuillère d’étain.

 

Étienne eut cinq enfants avec elle avant qu'elle ne mourût en l'an VIII (1800). Seuls trois survécurent jusqu'à l'âge adulte : Pierre III, né vers 1790, Anne III née en 1792 et Louis Étienne, né en 1798.

 

Au début du XIXe siècle, Étienne était à la tête de l'ensemble de l'exploitation familiale, réunie sous son emprise. Son père et son grand-père étaient décédés ; son seul frère survivant, Étienne II, était sans doute handicapé, comme on y reviendra. Anne, sa sœur aînée encore célibataire, habitait toujours là, comme Étienne II, également célibataire ; mais désormais, la famille disposait de la maison familiale originelle (Les Jouanets-Bas) et de la métairie (Les Jouanets-Hauts) (voir carte 1 ; voir carte 2). Étienne I avait réintégré les Jouanets-Bas, qui demeurait le chef-lieu de l'exploitation.

 

En 1806, âgé de 48 ans, Étienne se maria en secondes noces avec Marie Ginestou, une jeunesse de 20 ans environ. Il en eut à nouveau cinq enfants, dont trois seulement dépassèrent l'âge adulte : Jeanne, qui mourut célibataire en 1837, Étienne IV, né en 1813, enfin Pierre IV, né en 1817.

 

Il est amusant de constater que les archives familiales, conservées par le premier fils d'Étienne, Pierre III, puis transmises à ses fils, ne gardent aucune trace de la seconde branche, fondée avec Marie Ginestou. Certes, on verra plus loin que les décès prématurés, et l'abondance de descendance féminine firent disparaître rapidement le patronyme Mesqui dans cette branche secondaire ; cependant, la hiérarchisation entre les deux branches dut se manifester très tôt - en 1902, les Mesqui descendants de la branche principale parlaient des Martinet, descendants de la branche secondaire, comme de simples voisins, ayant vraisemblablement oublié qu'ils en étaient cousins....[15]

 

 

Étienne I chef de famille, et... procédurier

 

Le Cartulaire conserve le souvenir d'Étienne Mesqui comme d'un procédurier, à une époque extrêmement troublée marquée par la Révolution. Il ne semble pas qu’il ait jamais été inquiété, pas plus que sa famille ; en revanche, le changement d’environnement juridique concernant le droit des successions l’entraînèrent, sans doute sur sa propre initiative, à de multiples contentieux.

 

La Révolution ne semble guère l’avoir affecté, si l’on en juge par les actes conservés ; pour autant, la loi du 7 mars 1793, qui abolit toutes dispositions favorisant les successions en ligne directe, établissant la répartition égale de la succession des parents au profit des enfants, eut des conséquences importantes pour lui. Il lui fallut, d’abord, régler la succession de ses parents suivant la nouvelle loi, et dédommager ses frères et sœurs (Françoise, son aînée, épouse Esclaché ; Catherine, épouse Louis Lapeyre ; Anne et Étienne II)  après la mort de sa mère Antoinette, qui intervint avant 1800 ; ce fut chose faite à la fin de 1802, contre monnaies sonnantes et trébuchantes [16].

 

En revanche, l’interprétation des dispositions testamentaires de ses beau-père et belle-mère Milhières, au regard de la nouvelle loi successorale, l’entraînèrent dans un conflit judiciaire qui dura jusqu’en 1803, alors même que Jeanne Milhières son épouse était décédée – il faisait alors cause commune avec Anne Milhières, la sœur cadette de son épouse défunte, contre sa belle-mère et son autre belle sœur, elle aussi appelée Jeanne, et son mari [17].

 

En 1807, en tant que chef de famille, il constitua la dot de sa sœur Anne II, âgée de 53 ans, qui épousa Jean Vernet, âgé de 42 ans ; le couple n’eut aucune descendance, Jean Vernet étant décédé en 1809 – mais son épouse n’était plus à même d’engendrer, de toute façon. Curieux mariage que celui-là ! À une époque où le mariage était essentiellement conçu pour optimiser les rapprochements de patrimoines, que signifiait celui-là ? Qui était ce Jean Vernet ?

 

La seule fille d'Étienne qui ait dépassé l'âge adulte, Anne III, épousa Jean Rouquié, menuisier, vers 1823 ; elle fut dotée en 1823-1824. Sans doute ceci occasionna-t-il des besoins de trésorerie, puisqu’Étienne emprunta 800 francs à la fin 1824 à Jean Bidou.

 

 

De l'installation de l'aîné, Pierre III, en 1825, à la mort d'Étienne I en 1831

 

En 1825, Étienne maria son fils aîné, Pierre III, âgé de 35 ans environ, à Jeanne Rosalie Bonfils, originaire de Fongalop en Dordogne. Il le dota, par préciput, du quart de ses biens, consistant en un corps de bien comprenant maison, grange, parc, etc., occupés par les sieurs Mesqui, avec le jardin attenant, et les champs, vignes, terres, à prendre à l'Ouest des bâtiments jusqu'à la ligne qui prend au coin du jardin jusqu'au coin bas de la châtaigneraie du sieur Delrieu sur le chemin de Fumel à Monpazier [18].

 

Le partage de 1825. On peut retrouver, par déduction des divers documents du Cartulaire, et surtout grâce au partage de 1832 des biens d'Étienne (voir ci-dessous), ce que fut ce partage  (voir carte 2).

 

D'après ces documents, Étienne se départit de sa propre résidence, celle des Jouanets-Bas au profit de son fils aîné. Il retourna doncfinir sa vie avec sa seconde épouse et les enfants de celle-ci dans la métairie qu'il avait achetée en 1788.

 

Néanmoins, Étienne mit une condition à cette installation du nouveau couple : il exigea, dans le contrat de mariage, que la chambre dite "du jardin", a priori celle qui regardait le sud-ouest, soit laissée à sa jouissance jusqu'au décès d'Étienne II Mesqui, son frère cadet (photo 6). J'ai supposé plus haut qu'Étienne II devait être handicapé : peut-être le mot est-il trop fort, mais, en tout cas, Étienne II était à la charge de son frère aîné. Après le décès de son frère aîné, il est probable que son neveu Pierre III le prit en charge ; il mourut deux ans plus tard, en 1833.

 

L'inventaire d'Étienne I. Étienne I mourut le 29 octobre 1831. Après son décès fut effectué l'inventaire de ses biens meubles. Il habitait, dans l'ancienne maison de la métairie, une chambre unique - avec son épouse encore vivante Marie Ginestou et leurs enfants : cette chambre comportait trois lits dont deux garnis d'étoffe, celui de la porte d'entrée garni de cotonnade à flamme bleue, tous dotés de rideaux. Tous les lits comportaient une paillasse et une couette, avec les couvertures des matelas et les châlits et sur-ciels. On y trouvait un buffet à quatre portes et deux tiroirs (plus qu'à moitié usé) ; un buffet à deux portes, neuf et ferré ; un autre buffet à une porte et un tiroir ; un demi-buffet à une porte, et un coffre ancien. Le mobilier comprenait aussi une table ancienne en bois dur à deux portes imitant deux tiroirs, neuf chaises dont quatre à moitié usées. Dans la même chambre se trouvaient les outils de cuisine : une paire de chenets en fonte, une plaque de cheminée, un pendant de fonte, trois pots couverts, une tourtière en fonte et une autre en cuivre rouge, deux pelles à feu, un traversier de fer, une bassinoire, une poêle, une cuillère à soupe, une broche à rôtir. S'y ajoutaient deux chaudrons, deux plats et six assiettes en étain, un plat et onze assiettes en fayence, plus onze petites assiettes, six bouteilles, cinq verres et un baneau à prune ; dix neuf cuillers, dont deux grandes en fer, et dis fourchettes. L'éclairage était fourni par deux lampes et une lanterne, ainsi qu'un chandelier en étain avec sa bobèche. Les buffets contenaient 23 linceuls, 10 toilons, 5 essuie-mains, une nappe, et 12 chemises du défunt.

 

L'inventaire comprenait également, évidemment hors de la chambre d'habitation, un crible à blé et un crible à millet ; quatre vaches avec un veau, une jument, une truie avec six petits cochons, et deux cochons châtrés ; onze poules et un coq ; trente livres d'étoupe, vingt cinq livres de brin, quinze livres de fil blanchi et dix sept livres de fil cru ; dix sept sacs de blé. Enfin, l'inventaire mentionne une pendule avec sa caisse, demeurée dans la maison du fils aîné, Pierre III, un tamis au tour pour passer la farine, une petite table avec un tiroir et une armoire à deux portes, stockées dans la grange de Pierre. Enfin, la veuve Mesqui possédait, dans la maison, une couette, deux coffres, deux pots en fer, un friquet, un pendant de feu et un chaudron, ainsi que "les rideaux blanchâtres" qui étaient au lit au fond de la chambre.

 

Le partage de 1832. Le partage successoral des biens d'Étienne I conservé dans les archives notariales, que j'ai retrouvé, permet exactement de comprendre comment furent répartis ses biens immeubles entre ses ayant-droits (Partage des Jouanets en 1832). Pierre III, l'aîné, reçut la part du lion (voir carte 3) ; son frère cadet Louis fut un peu  moins doté (voir carte 4). La veuve Ginestou, avec ses trois enfants, reçut la métairie et quelques terres (voir carte 5). Enfin Étienne II, le frère cadet d'Étienne I n'eut qu'une toute petite part, sans doute destinée à assurer sa subsistance (voir carte 6).

 

 

Pierre III Mesqui ... et tous les autres

 

Ainsi, alors que durant le XVIIIe siècle s'était produite une concentration des propriétés aux mains d'un chef de famille par génération, les deux mariages et les nombreux enfants d'Étienne I contribuèrent à nouveau à un certain éparpillement, même si Pierre III, le fils aîné, peut prétendre à la part majeure. Les recensements nationaux de population qui commencèrent en 1836 permettent - non sans difficultés, de comprendre l'évolution de l'occupation des lieux. (tableau des Mesqui des Jouanets d'après les recensements).

 

 

Les familles en présence aux Jouanets après le décès d'Étienne I. L'extension des maisons des Jouanets

 

Pierre III s'était marié en 1825 ; son frère cadet Louis Étienne se maria en 1832 - mariage stérile. Louis Étienne décéda en 1865, son épouse avant 1872.

 

Mais il existait aussi, aux Jouanets, les descendants du second mariage d'Étienne I : Étienne IV, d'abord, qui se maria avant 1834 avec Jeanne Bourrié. En 1836, lors du premier recensement, il abritait dans son ménage son frère cadet Pierre IV, âgé de 19 ans. Deux ans plus tard, Pierre IV fonda son propre foyer avec Jeanne Lapeyre.

 

Il exista donc, à partir de 1838, quatre ménages Mesqui aux Jouanets : celui de Pierre III, celui de Louis Étienne, celui d'Étienne IV, celui de Pierre IV, trois d'entre eux avec leurs enfants et leurs ascendants.

 

La troisième maison. Comment concilier l'existence de ces quatre ménages avec les capacités d'accueil du site ? Le Cadastre Napoléonien ne reflète certainement une situation du bâti antérieure à cette époque, puisqu'il ne représente que deux maisons, celle des Jouanets-Bas, et la grande maison des Jouanets-Hauts, celle qu'habita probablement Étienne I avant son décès. Or une maison s'y ajouta ; il en demeure les ruines, avec une chambre unique sur cellier attenante à une grange prolongée par un four ruiné (voir carte 1, photo 3 et photo 4). Le style de ses ouvertures est clairement conforme à ce qui se pratiqua durant le XIXe siècle, sans que l'on puisse malheureusement fournir une datation plus précise.

 

On peut se demander si la grange et le four ruiné ne correspondent pas à "la fournial neuve" mentionnée par le partage de 1832 (Partage des Jouanets en 1832) et attribué à Louis ; mais ce document ne mentionne nullement une unité d'habitation, qui est donc nécessairement postérieure.

 

Cependant, même avec trois maisons, on ne peut prendre en compte les quatre ménages des Jouanets, à moins de supposer que deux d'entre eux vivaient dans la même maison. J'ai du mal à imaginer cependant la vie de deux familles dans l'une des maisons du haut des Jouanets. Une pièce curieuse du cartulaire, sans date, mais placée juste avant un acte de 1840 par Jean Éloi Mesqui, montre qu'une discorde éclata entre les Mesqui des Jouanets-Bas et ceux, désignés comme cadets, des Jouanets-Hauts : en effet, ces derniers passaient par la basse-cour des Jouanets-Bas pour rejoindre depuis le chemin commun du May-del-Pech leur propriété. L'arpentage montra qu'ils gagnaient 38 m en passant par ce chemin plutôt qu'en contournant la propriété des Jouanets-Bas par le Nord, ce qui était l'itinéraire normal. Qui étaient alors les "Mesquis cadets" ? Louis Étienne, ou plutôt ses deux demi-frères Étienne IV et Pierre IV ? Je pense que c'est d'eux qu'il s'agissait, Louis Étienne vivant, selon toute vraisemblance, dans la maison de son frère Pierre IV.

 

L'agrandissement de la maison des Jouanets-Bas. En tout cas, la maison des Jouanets-Bas fut certainement agrandie au cours du XIXe siècle. La carte 1 montre bien cet agrandissement par comparaison du cadastre napoléonien à celui de 1969 ; précisons que l'agrandissement intervint certainement au cours de ce siècle, en raison du style des bâtiments. On s'aperçoit que la maison d'habitation fut raccordée au sud-est à l'ancienne grange, pour offrir une plus grande superficie à l'habitat familial ; peut-être gagna-t-on, à l'occasion, un espace sur la grange elle-même (photo 5). L'ancien chai fut apparemment détruit, alors que l'on reconstruisit à l'ouest une vaste grange servant, elle aussi, de chai. Quant au fournil, il fut maintenu (il existe encore), mais intégré dans des petits bâtiments de part et d'autre.

 

 

L'extinction du patronyme dans les branches issues du second mariage d'Étienne I (Les Jouanets-Hauts)

 

Si dans le recensement de 1841 existaient deux familles Mesqui du second lit d'Étienne I, dès le recensement de 1866, le nom n'était plus porté dans les maisons de ces deux familles aux Jouanets. Étienne IV mourut à 36 ans, son frère cadet Pierre IV à 34 ans. Le premier eut trois filles, dont une épousa un Jean Martinet avant 1852 ; leur fils Jean Martinet épousa une Marie Bidou. De leurs enfants, seul demeurait en 1911 aux Jouanets Hauts l'aîné, Pierre, cantonnier. La famille Martinet disparaît par la suite des recensements (tableau des Mesqui des Jouanets d'après les recensements).

 

Pierre IV, quant à lui, eut un fils, Pierre, qui émigra après son mariage en 1863 au hameau de Valprionde, à Lacapelle-Biron, et deux filles ; Marie, la seule qui vécut au-delà de l'adolescence, épousa Marc Labernardie, maçon d'Orliac, en Dordogne. Dans les recensements de 1872 et 1876, le ménage habitait les Jouanets ; ils disparaissent ensuite, s'étant probablement installés ailleurs. Leurs parents étant décédés, le rameau disparut alors des Jouanets dès 1881 : on peut imaginer que la maison qu'ils occupaient passa alors au rameau supérieur, celui de la famille Martinet évoquée ci-dessus.

 

Ceci se confirme, dans le récit de la mort de Jean "Élie" en 1902 conservé dans les documents familiaux,  par la mention des seuls voisins Martinet pour aider aux préparatifs de l'enterrement. En 1906, cette famille comprenait encore Jean Martinet chef de famille âgé de 50 ans, Jeanne Vidal sa deuxième épouse âgée de 30 ans, Adèle, 16 ans, Albert, 14 ans, Jean, 6 ans, et Gabrielle, 6 mois. Où disparurent-ils entre 1906 et 1911, date à laquelle ne restait que Pierre, le fils aîné, cantonnier ?

 

Les deux maisons des Jouanets Hauts sont, depuis cette décennie 1910-1920, restées en l'état où elles étaient alors, se ruinant néanmoins peu à peu. La grande maison, la plus ancienne, conserve son aménagement intérieur du XVIe siècle, la cheminée, l'évier à côté de la cheminée et un petit placard mural à côté de l'évier pour accueillir les ustensiles. Rien n'a été changé - peut-être les bois ont-ils été renouvelés de génération en génération.

 

 

Pierre III : la consolidation du patrimoine

 

Le premier acte officiel de Pierre III fut, en 1829, de racheter aux descendantes d'Antoine Bèle ou Bel le principal de la rente dite "Charmail", correspondant à l'achat de la métairie des Jouanets-Hauts : chaque année, il fallait que les Mesqui payent 75 francs aux héritières du maître de forges [19]. Pierre cherchait-il à se désendetter ? C'est probable. Il est amusant, au travers de cet acte de rachat de la rente, de constater les différences d'évolution familiales. Antoine Bel, maître de forges de Cuzorn, avait eu quatre filles : la première épousa François Delceÿ, vivant de ses revenus, habitant du château de Laval sur la commune de Penne ; la seconde épousa Théophile Gilbert, receveur des contributions directes de Saint-Front ; la troisième épousa Pierre-Marie Caumond, négociant de Fumel ; enfin la quatrième épousa Jean-François Glady, vivant de ses revenus à Penne. Belle évolution que celle-là, prouvant que le statut de "forgeron" qu'avait Antoine Bèle au commencement de la Révolution était bien celui d'un petit industriel, patron de PME, capable de marier ses filles avec des bourgeois parfaitement installés en 1829.

 

Quelles étaient alors les relations entre Pierre III, qui habitait aux Jouanets-Bas, et son père Étienne I qui habitait aux Jouanets-Hauts ? On peut s'interroger sur ce point : dans cet acte de 1829, Pierre III fit signifier par huissier à son père ce contrat de rachat, "afin que ledit Mesqui père n'en prétende cauze d'ignorance". Le Cartulaire permet de comprendre qu'Étienne, âgé de plus de 72 ans, se livrait encore à des transactions que ne devait pas approuver son fils : le 21 janvier 1829, il empruntait 693 francs à Étienne Claris, en hypothéquant un pré ; mais cette dette n'était pas la seule, puisqu'Étienne avait emprunté en 1824 la somme de 800 francs à Jean Bidou [20]. Il est probable que Pierre III devait s'inquiéter quelque peu de la gestion de son père en fin de vie, et qu'il chercha à résorber les dettes contractées.

 

Pierre III bénéficiait du patrimoine acquis par ses ancêtres, tel qu'il apparaît dans la carte ; il l'agrandit quelque peu, en particulier en 1850, lorsqu'il acheta le bois de Peyrebrune à Peyruffe, d'un peu plus de six hectares, et quelques autres terres. Rien n'indique cependant, au travers des textes conservés, qu'il ait eu une activité débordante dans l'extension du patrimoine. Pierre III paraît avoir été un gestionnaire raisonnable, capable de résorber l'endettement familial et d'assainir la situation patrimoniale.

 

 

La descendance de Pierre III

 

De son épouse Jeanne Rosalie Bonfils, Pierre III eut quatre enfants, dont trois seulement survécurent jusqu'à l'âge adulte. Jeanne Célestine, l'aînée, épousa Jean Armand Frégeville, de Capdrot, allant résider dans cette commune. Étienne V mourut dans l'année même de sa naissance, en 1827 ; suivirent Jean "Élie", né en 1829, et Jean "Émile", né l'année suivante.

 

Jean "Élie" succéda à son père dans la propriété familiale. Mais il est intéressant de constater que le second fils, Jean "Émile", quitta celle-ci dès son mariage en 1860 avec Jeanne Anna Le Coffre, de Bernadou à Sainte-Colombe-de-Villeneuve. Pour la première fois, la famille Mesqui sortait du cadre restreint de la commune de Blanquefort-sur-Briolance, allant marier l'un de ses fils du côté de Villeneuve-sur-Lot, dans un sud-ouest lointain. Émile fut le premier garçon Mesqui, toutes branches confondues, "migrant" en dehors du petit périmètre blanquefortain. Sans doute doit-on considérer ceci comme une réussite sociale de Pierre III : on n'imagine pas, en effet, que la rencontre ait été fortuite, et nécessairement, à cette époque, ceci signifiait que Pierre avait noué des liens avec le père d'Anna Le Coffre.

 

Pierre III mourut en 1860, âgé de près de 70 ans.

 

 

Jean "Élie" : le dernier fils aîné aux Jouanets

 

Jean "Élie" est, parmi les nombreux porteurs du prénom Jean (comme du prénom Pierre), le premier pour lequel on identifie le prénom d'usage réel, Élie : pour l'État Civil, il était Jean, mais en famille on l'appelait Élie, comme on appelait son frère Émile.

 

Il se maria en premières noces en 1855, âgé de 26 ans, avec Jeanne "Catherine" Cubertou, de Gavaudun, qui lui donna une fille, Jeanne "Élia" ; son épouse mourut prématurément en 1859. Élie se remaria en 1863 avec Marguerite "Louise" Brousse, de Cuzorn, qui lui donna neuf enfants, dont sept vécurent jusqu'à l'âge adulte.

 

Élie reprit la propriété à la mort de son père ; il partagea encore la maison avec son oncle Louis Étienne jusqu'à la mort de ce dernier en 1865. En 1866, il vendait une pièce de terre à Jean Martinet, des Jouanets-Hauts : cette pièce était limitée par une ligne droite partant du "jardin ancien appartenant au vendeur, et se prolongeant jusqu'à une borne placée à la limite du chemin de Fumel à Monpazier, en suivant le prolongement de deux bornes divisant l'enclos de Louis Mesqui de celui de Mesquy aîné" [21].

 

Cette pièce est curieuse : Louis était mort depuis quelques mois déjà, et il faut admettre que la référence topographique à la séparation de son enclos de celui de son neveu était historique - sans doute la succession de Louis n'était-elle pas encore réglée. Au-delà, elle montre que le secteur était en restructuration - la mention du jardin ancien d'Élie en témoigne. Enfin, la vente fut apparemment suivie par une de ces querelles picrocholines de bornage qui eurent tant d'importance : il fallut, en 1868, un arbitrage amiable du maire de Blanquefort entre Élie et Jean Martinet pour faire cesser un procès intenté par Martinet contre Mesqui.

 

 

Le cahier de comptes d'Élie

 

On connaît peu d'actes d'Élie. En fait, l'un des documents les plus intéressants qui demeure de son époque est un cahier d'écolier où il enregistra, à partir du 19 janvier 1871 où il l'acheta, ses dépenses pour le fonctionnement de l'exploitation. On s'aperçoit, en fait, qu'Élie était en comptes avec commerçants, artisans ou autres agriculteurs ; il était beaucoup plus souvent créditeur que débiteur, se situant certainement dans la population aisée de Saint-Chaliès. Son compte créancier le plus fourni était avec le boucher Delpit : en 1879, il lui vendit 4 veaux, entre 1880 et 1882, il lui en vendit 8 de plus. En retour, il lui achetait de temps à autre de la viande, mais celle-ci ne devait pas être souvent à l'ordinaire des Jouanets, si l'on en croit les quantités achetées ; et Delpit lui empruntait assez fréquemment des liquidités. Un autre compte fourni était avec le boulanger Faustin. Parmi ces nombreux comptes, on relève celui d'un "Mesqui de la Balprionde", en fait Valprionde, commune Lacapelle-Biron ; il s'agissait de son cousin Pierre Mesqui, petit-fils de Pierre V, qui acheta en 1884 quarante "barres", en 1885 cinquante "barres", mais j'ignore ce qu'étaient ces barres [22].

 

Élie possédait une jument, et un troupeau de vaches dont le cahier ne fournit pas le nombre. En octobre 1879, il fit ferrer tant la jument que les vaches. Les saillies de sa jument, en 1883, nécessitèrent des allées et venues fréquentes : premier essai infructueux le 10 mars, autre essai tout aussi infructueux le 13 mars. La première saillie eut lieu le 15 mars, puis Élie note laconiquement "le 18 mars déssès de ma mère" ; il y retourna le 22 mars où elle accepta une deuxième saillie, puis le 29 mars et le 15 avril où  ce fut infructueux. Finalement, la jument mis bas le 9 mars 1884, et fut resaillie le 2 avril de la même année.

 

De temps à autre, il faisait appel à des maçons : ainsi, en 1880, il fit remonter le mur allant à Saint-Chaliès, fit exécuter le mur de clôture de la parcelle n°100 ; trois journées de maçon furent consacrées pour bâtir une chaudière. On trouve d'autres journées de maçon, non détaillées, en 1882, 1883, 1884, pour de petits travaux puisque ce sont généralement deux journées par an.

 

Au début de 1883, grand branle-bas : on compte une journée du tailleur Rémon, 28 journées de la couturière Hortense, une journée à la repasseuse Francille, pour façon d'un montant de lit et façon d'une robe blanche. Il est probable qu'Élie et son épouse s'étaient préparés pour le mariage de leur nièce, qui se maria le 16 janvier 1883 ; à moins que ce fût une autre occasion festive - sans doute pas la mort de la mère d'Élie, qui intervint cette année là aussi.

 

Élie fit construire, en 1888, un nouveau tombeau familial ; il en confia la réalisation au maçon Labernardie, époux de sa cousine germaine Marie IV, habitants des Jouanets en 1872 et 1876 ( photo 7, photo 8). Ils avaient émigré depuis. Le maçon fut payé 250 F, une barrique de vin d'un prix de 80 F, un cent de fagots, moellon, pierre de taille et sablon fournis. La tombe subsiste encore, dans un triste état : située sur la pente du petit cimetière, elle a baigné dans l'humidité ; elle a été remplacée dans les années 1920 par un nouveau caveau, situé en haut du cimetière.

 

 

 

La descendance d'Élie

 

Cette génération fut la première où les enfants s'éparpillèrent assez largement, et surtout où l'aîné ne reprit pas l'exploitation. Élia, la grande sœur du premier lit, se maria en 1877 avec Jean-François Lalaurie, propriétaire exploitant aisé de Cantête, au sud-ouest de Villeneuve-sur-Lot ; mais elle demeura extrêmement proche de la famille, avec une affection particulière pour son frère puîné Jean "Éloi", qui passait immanquablement chez eux dès qu'il se rendait aux Jouanets. Ce dernier épousa la carrière des armes, sans que j'en connaisse les raisons, et épousa Marie Bulliard en 1892 à Bordeaux, avant de s'installer à Bayonne ; Jean "Léopold" se maria en 1895 avec Octavie Orliac, et s'installa à Boissié, près de Villeneuve-sur-Lot. Marguerite "Louisa" épousa en 1888 Pierre "Émile" Faurie, originaire de Feugnes, commune de Monflanquin. Pierre "Adolphe" fut militaire, et se maria en 1902 avec Marie Josse, originaire de Lamballe ; ils ne quittèrent plus la Bretagne.

 

En 1899, Élie et son épouse eurent la douleur de perdre leur dernier fils, Joseph "André", de rhumatismes articulaires aigus contractés en pension chez les frères de Monsempron ; à cette époque ne demeuraient plus, aux Jouanets, que Albert et son frère cadet Alban. Albert avait 20 ans, et avait vraisemblablement commencé largement de remplacer son père dans la direction de l'exploitation.

 

Lorsque celui-ci mourut, en 1902, il désigna Albert pour reprendre les Jouanets. Celui-ci se maria en 1904 ; Alban y demeura jusqu'en 1906, date à laquelle il alla s'installer à La Pèze, commune de Sauveterre-le-Lémance.

 

 

François "Albert" : l'entrée dans le XXe siècle

 

Avec Albert se terminent ces notes d'histoire sur les Jouanets. La propriété familiale est restée aux mains de ses descendants, son petit-fils Pierre et de son arrière-petit-fils Bruno, et un arrière-arrière-petit-fils, Simon est né récemment là-bas (2002). Longue vie aux Jouanets et aux Mesqui !